AMY WINEHOUSE
Mars 2006. Une frêle jeune fille, les jambes flageolantes, s’avance sur la scène des Grammy Awards, la plus prestigieuse cérémonie récompensant des musiciens. Elle s’appelle Amy Jade Winehouse, 23ans et vient d’établir un record absolu en remportant cinq prix la même année, après avoir été nominée dans six catégories différentes. Ce jour -là, elle entre pour toujours au panthéon de la musique et tous lui prédisent un avenir radieux. Mais qui est-elle vraiment ?
Lorsqu’elle vient au monde le 14 septembre 1983 à Stormwind, dans le modeste quartier d’Enfield à Londres, son père, chauffeur de taxi juif de son état est un amoureux fou de Sinatra qu’il chante souvent à la maison. Comme c’est souvent le cas avec les enfants, il transmet le virus à la petite Amy au point où elle donne des cheveux blancs aux enseignants de Ashmole School qui se plaignent du fait qu’elle passe son temps à chanter en classe au lieu de se concentrer sur leurs enseignements. Conscients de son amour pour la musique du talent précoce de leur fille, les Winehouse cassent la tirelire et l’inscrivent à des cours de chant au Susi Earnshaw Theatre School dès l’âge de huit ans. Deux ans plus tard, Amy fonde un éphémère groupe de rap avec une amie d’enfance avant d’opter pour une vraie formation dans le domaine de la musique en s’inscrivant à plein temps au Sylvia Young Theatre School. Mais déjà, son caractère d’écorchée vive pointe le bout de son nez puisqu’elle en est expulsée à quatorze ans, en raison de sa tenue vestimentaire peu soignée et les piercing qu’elle porte au nez. Amy trouve peu de temps après un emploi de chroniqueuse « showbiz » pour la World Entertainment News et officie comme chanteuse dans un groupe de jazz. Elle enregistre une démo que son petit ami de l’époque envoie à un studio. Grâce à cette maquette, elle signe un premier contrat avec le label Island/Universal et avec la maison d’édition IME. Le premier album solo d’Amy Winehouse intitulé « Frank » sort en 2003 et comporte de nombreuses chansons d’influence jazzy comme « Stronger Than Me » qui suscitent tout de suite l’enthousiasme des critiques qui voient en elle la nouvelle Sarah Vaughan. En 2004, « Frank » est sélectionné aux Brit Awards dans les catégories de « British Female Solo Artist »(Meilleure Artiste Féminine) et « British Urban Act ». L’album est certifié disque d’or en Angleterre courant février 2004 et remporte le « Ivor Novelo songwriting Price » pour la meilleure chanson contemporaine. Malgré le fait que « Frank » soit un succès, Amy déclarera plus tard qu’elle ne l’aimait pas. « Je ne peux même plus écouter « Frank ». En fait, je n’en ai jamais été capable puisque le label y a introduit des chansons et des mix que je n’aimais pas ». Qu’à cela ne tienne, Amy change son fusil d’épaule et se concentre sur la production de son second album qui au contraire du premier s’oriente plus vers le style grils groups des années 60 comme les Supremes de Diana Ross. La demoiselle y met tout son cœur et l’émotion qui en émane trouve son explication dans le fait qu’Amy est follement amoureuse. Dans une interview, elle déclare ceci : « Après Frank, je n’ai plus écrit pendant dix-huit mois, mais lorsque j’ai rencontré Mark, j’ai écrit « Back to Black en à peu près six mois – il était une telle source d’inspiration pour moi ». Au début 2006, les deux singles promotionnels »Wake up Alone » et « Rehab » sont diffusés au cours de l’émission de radio animée par son producteur Mark Ronson sur East Village Radio. La promotion de « Back to Black » commence très rapidement après la finalisation de l’album qui est livré aux fans anglais le 30 octobre 2006. C’est à nouveau un boulet de canon musical puisque le nouvel opus d’Amy Winehouse truste tout de suite les premières places des charts au Royaume-Uni. Pour sa sortie aux Usa en mars 2007, il se classe au septième rang du Billboard 200. Le Times Magazine dont on connaît la férocité de la critique choisit « Rehab » comme chanson de l’année et son spécialiste-maison Josh Tryangiel parle d’Amy en ces termes : « Ce qu’elle est mignonne , drôle, fascinante et très probablement folle, et il est impossible de ne pas être séduit par son originalité». Le 14 septembre 2007, l’album est six fois certifié disque de platine au Royaume-Uni, et à la fin de l’année, « Back to Black » est l’album le plus vendu de l’année. Au premier semestre 2008, il est la meilleure vente d’albums dans le monde, à 3,67 millions d’exemplaires pour un total de 11millions d’euros. Appréciez la performance. . .
Sa vie privée aussi semble au beau fixe car le 18 mai 2007, Amy épouse Blake Fielder-Civil à Miami en Floride. A partir de ce moment, Winehouse fera plus parler d’elle dans les journaux à scandales que sur la scène. En effet, le 8 septembre 2007, Amy reçoit une plainte pour violation du droit d’auteur pour la chanson « He Can Only Hold Her » par P.Nut qui affirme avoir été plagié. Les deux parties trouvent un règlement à l’amiable quand Amy s’engage à payer des droits d’auteur à P. Nut. Un mois plus tard, les deux époux sont arrêtés en Norvège pour détention de cannabis. Le couple est libéré après acquittement d’une amende de 480 euros et Amy niera plus tard les faits, alléguant qu’elle s’était « trompée » lors de sa déposition même si la police norvégienne affirment quant à eux que les éléments qui ont procédé à l’arrestation parlaient couramment anglais. Le 9 novembre 2007, le mari d’Amy et quatre de ses copains sont arrêtés suite à une accusation d’entrave à la justice après l’agression d’un propriétaire de bar en juin 2007. Ce dernier raconte que dans une interview qu’il a depuis cette agression des plaques de métal et des vis dans le crâne et que Fielder-Civil lui a écrit une lettre d’excuses depuis sa prison.
Le avril 2008, Winehouse est libérée après un rappel à l’ordre après avoir giflé quelqu’un, mais récidive un mois plus tard quand elle est arrêtée pour possession de drogues avant d’être libérée quelques heures plus tard au bénéfice du doute. Et il serait fastidieux d’énumérer toutes les bourdes que la justice impute à Ami et Civil-Fielder. Bref, rien ne va plus d’autant plus que la santé de la chanteuse commence à décliner sérieusement. Le 24 juin 2008, le porte-parole d’Amy Winehouse confirme que les médecins lui ont découvert les premiers symptômes de ce qui pourrait être un futur emphysème pulmonaire. Il a en outre déclaré que ces problèmes ont été causés par sa consommation de cigarettes et de crack. A la fin du mois d’avril 2008, le comportement de la chanteuse et une accusation de voies de faits provoquent des doutes sur le succès de la nième cure de désintoxication que la chanteuse a tentée quelques semaines plus tôt. Consciente que sa vie est en danger, Amy accepte une cure de repos sur l’île de Sainte-Lucie, et s’il semble qu’elle ait arrêté de fumer du crack, sa consommation d’alcool reste assez importante. Le 8 mai 2009, les spectateurs du festival de Jazz de Sainte-Lucie auront la confirmation de l’état délétère dans lequel se trouve Winehouse. De retour après une absence qui aura duré un an, Amy apparaît sur scène complètement ivre, oublie les paroles de ses chansons et affiche une attitude à la limite méprisante pour le public. Un autre concert était prévu le 31 mai 2009 dans le cadre du cinquième anniversaire de la maison de disques Island Records, mais là aussi, Amy fait faux-bond à ses fans pour des raisons encore inconnues. Même cas de figure à Istanbul et à Athènes le 20 et le 21 juin 2011 où elle se présente sur scène complètement saoule et incapable de chanter. Mais l’image de la chanteuse balançant un pied de micro à son public, qui excédé de la voir titubant sur scène, la huait, restera sans doute le point final de la longue descente aux enfers entamée trois ans plus tôt.
Lorsque le 23 juillet 2011, les médias annoncent que Winehouse a été retrouvée morte à son appartement de Camden Park à Londres, personne n’est vraiment surpris et certains de ses fans déclareront à la BBC que c’était mieux ainsi tant leur idole paraissait inapte à trouver la paix. Les médias comme à leur habitude mettront le point sur le sensationnel en soulignant le fait qu’elle rejoignait « le club des 27 », autrement dit celui des artistes morts à l’âge de 27 ans à savoir Jimi Hendrix, Janis Joplin ou Kurt Cobain. Mais il nous semble que ce qu’il faut retenir d’Amy Winehouse se trouve ailleurs. En effet, elle aura été capable de figurer au panthéon de la musique en ayant produit deux albums, de nous avoir ému par la véracité de son être qui ne s’embarrassait d’aucune hypocrisie allant jusqu’à dire dans « Rehab » « qu’elle était mauvaise ». Amy faisait partie de ces personnes dont l’art et la vie ne faisaient qu’un au point où elle déclarait que si jamais elle devenait heureuse, elle arrêterait de chanter car pour elle chanter, c’est souffrir. Amy Winehouse est définitivement entrée dans la légende et comme l’a si bien dit son major français du label AZ, « dans deux cent ans, on parlera encore d’Amy Winehouse». Repose en paix, Sister.God Bless You !
Zack Badji
Illustration: dessin de Régine Coudol-Fougerouse
Très bel article !!!!