Dezarie
Dans l’univers du reggae où le terme « rastaman » se décline rarement au féminin et les chanteuses souvent cantonnées à un rôle de choristes, Dezarie est un cas à part. Originaire des Îles Vierges américaines, celle que l’on nomme désormais « l’impératrice du reggae » a su, à force de courage et d’abnégation, se hisser au top de ce qui se fait de mieux dans le reggae dit « roots ». Mais le chemin vers la gloire fut long car dès le début des années 90, Dezarie commence à se faire remarquer sur des compils ou en back-ground d’autres artistes. Mais c’est en 2001 que sa carrière va vraiment décoller quand elle apparaît sur l’album « Nemozian Rasta » de ses compatriotes et bientôt mentors Midnite qui à ce moment, voient s’entrouvrir les portes du succès.
A partir de ce moment l’histoire de Dezarie et celle des frères Benjamin se mêlent au point puisque c’est le label I Grade(propriété de Midnite) qui va produire « Fya » le premier album de Dezarie. Sorti en 2002, cet opus entièrement produit à la sauce Midnite fait un tabac car il apparaît presque comme un ovni puisque pour la première fois depuis les I-Threes de Bob Marley, une voix féminine tenait le devant de la scène. Dezarie livre dans « Fya » un reggae roots inspiré, puisant aux sources du nayabinghi et tout aussi engagé que celui des chanteurs les plus connus. En 2003, elle renouvelle sa collaboration avec Midnite, qui une fois de plus va soutenir à fond Dezarie au point de s’offrir comme backing-band pour ce qui est en passe de devenir un hymne planétaire pour les femmes, à savoir le désormais cultissime « Gracious Mama Africa. Dans cet album qui apparaît déjà comme celui de la confirmation, Dezarie y développe une écriture originale qui trouve son ferment dans la lutte pour l’émancipation de la femme et la libération des forces positives de la diaspora africaine.
Ses lignes vocales et son timbre de voix à la clarté absolue qui rappellent parfois celles de ses sœurs peules ou wolofs d’Afrique subsaharienne séduit très vite les amateurs de reggae roote qui voit se réincarner en Dezarie le style des années 70, loin du son brut et bourré d’ajouts de toutes sortes auquel nous avaient habitué ses compatriotes des Îles Vierges.A travers des titres magnifiques comme « Mama Africa », « Poverty », le prophétique « Strenghten Your Mind » , Dezarie aborde de façon frontale les problèmes pour réclamer plus de justice sociale en faveur des minorités et de l’Afrique pour qui son amour semble indéfectible. En 2008, Dezarie désormais installée dans son pays natal après avoir quitté les Etats-Unis, va toutefois continuer à travailler avec Midnite sur un nouvel album dénommé « Eaze The Pain » qui porte la patte de Ron Benjamin dont la présence à la basse et aux claviers, alliée au jeu dépouillé de Dion Hopkins, le batteur historique de Midnite vont faire de cet album un opus mondialement plébiscité. En 2010, Dezarie enfonce le clou avec The Fourth Book, un album aérien et engagé dont se délectent encore les amateurs de reggae en attendant impatiemment le prochain album de la désormais « Impératrice du reggae ». Zack Badji
Illustration: aquarelle de Régine Coudol-Fougerouse