MORCHEEBA
Même si sa notoriété n’a jamais vraiment pas dépassé le cercle restreint de ses fans de toujours, Morcheeba est pourtant l’un des groupes les plus novateurs de son époque et qui à l’orée des années 90 déjà, s’était résolument orienté vers le groove et la fusion. Cette « injustice » semble être en passe d’être réparée puisque le grand public découvre enfin Morcheeba et l’ingéniosité musicale des frères Godfreys, se demandant comment autant de talent avait pu rester occulté pendant si longtemps. La faute à la fébrilité des maisons de disques souvent incapables d’anticiper ? Un style un peu trop en avance sur les tendances ? Peut-être un peu de tout ça, de telle sorte que le chemin fut long et semé d’embûches. C’est en 1994 que Paul (DJ) et Ross (guitare,claviers) Godfreys,deux frères originaires de Douvres en Angleterre, créent Morcheeba qui peut se comprendre comme « more cheeba »,c’est à dire « encore plus d’herbe (à fumer) ».Mais les débuts sont plus que difficiles car malgré plusieurs tentatives auprès de labels de la région londonienne , l’intérêt des producteurs pour cet étrange mix de fusion, funk, blues matiné de techno est plus que modéré.
Le déclic survient quand les Godfrey rencontrent la chanteuse Skye Edwards qui grâce à sa voix et sa polyvalence,va transformer le destin et devenir la marque de fabrique de Morcheeba. C’est le label China qui va enfin signer Morcheeba pour deux EP Trigger Hippie et Music that We hear.
En 1996,paraît le premier album de Morcheeba sur le label American Discovery est plutôt bien accueilli ce qui leur permet de se lancer dans leur première tournée américaine. S’ensuivront deux autre albums Big Calm en 1998 et Fragments of Freedom en 2000. Mais c’est l’album Charango, paru en 2002 qui va enfoncer le clou tant cet opus résume à lui tout seul la volonté de Morcheeba de fusionner, de faire se rencontrer les genres comme en témoigne la diversité des invités qui vont de Lambchop à Kurt Wagner en passant par le rappeur Slick Rick.
Mais le coup de théâtre survient quand on s’y attendait le moins : un an après la sortie de Part of the Process,Greatest Hits, la chanteuse Skye Edwards quitte le Morcheeba pour des « divergences musicales », selon la version du groupe.
Pour la sortie de l’album The Antidote,les frères choisissent la chanteuse Daisy Martey, mais quelques mois plus tard, elle aussi jette l’éponge pour être remplacée par la choriste/saxophoniste australienne Jody Steinberg. On croyait l’éternel recommencement relégué aux oubliettes et Morcheeba installé dans l’orbite du succès quand Jody claque aussi la porte pour des raisons restées tout aussi floues que les fois précédentes. La vérité est que les fans s’étaient habitués à la voix de Skye, de telle sorte que son remplacement par Jody avait suscité des réactions plus que mitigées.
Aussi en 2008 pour les besoins de l’album Dive Deep,l’australienne sera relayée par une découverte Myspace, la chanteuse française Amanda Zamolo. Elle aussi ne s’y éternise pas pour les mêmes raisons que Jody et en 2010 Skye Edwards effectue son grand retour au sein de Morcheeba pour participer au septième album Blood Like Limonade. Le résultat est immédiat puisque cet album est magnifique tant par le fait que le groupe retrouve son âme mais aussi parce que Skye Edwards paraît avoir ajouté d’autres cordes à son arc tant la maîtrise vocale affichée sur Blood Like Limonade semble parfaite.
Que reste t-il à souhaiter à Morcheeba, sinon que la stabilité s’installe enfin et que . . . Skye Edwards reste dans les parages. Zack Badji
Illustration: Régine Coudol-Fougerouse